Un départ d’ici pour prendre le départ de là bas. Un nouveau tour de Bretagne Saint-Cast - Concarnea
- vikenrenouard
- 11 sept. 2016
- 11 min de lecture
Fin Août, Saint-Cast.
Se décarcasser pour le pilote automatique, mon seul compagnon.
Je dois réparer le second pilote automatique acheté d'occasion cet été. Pendant le retour Concarneau-Saint-Cast la semaine passée, le vérin s’est mis à faire des bruits métalliques lorsqu'il se trouvait en bout de course. Je l'ouvre, accède à la vis sans fin : plein de copeaux métalliques. Et les petites billes du roulement qui commencent à partir... Pièce spécifique, pièce introuvable. Génial ! Tant pis, je démonte le roulement au risque de ne pas pouvoir le remonter. Je nettoie tout et ré insére les 30 petites billes de 1 MM de diamètre à la pince à épiler, un vrai travail d’horloger.
Je passe au Fablab de Saint-Brieuc. Ca me fait plaisir de les revoir. On en profite pour usiner la pièce supposée cassée du pilote automatique. Une petite bague de guidage est modélisée en 3D et usinée dans du Téflon. Le Fablab m'épate. C'est tout plein de génies, de bonne humeur et on peut faire et réparer tout ce qu'on veut. Bilan : une nouvelle vie pour ce vérin vendu neuf 850 euros, pour lequel le constructeur ne propose pas de pièce détachée. Assez content, car ca n’était pas un problème mineur. Il va quand même falloir le tester en mer pour être sur que tout tient. Mais je le sens bien.
Avitaillement et derniers achats.
Première partie de l'avitaillement. Je remplis un chariot entier des choses que j'ai peur de ne pas retrouver en Espagne ni au Portugal. Il faut s’imaginer un caddy plein de petites boîtes de pâtée Hénaff, autant de crèmes Mont-Blanc et tout un tas de mes boîtes de conserve préférées (tout est relatif). Le chariot déborde et fait rire la caissière qui doit se demander si je vis dans un bunker.
J'achète également 4 jerrycans supplémentaires de 10 litres. Au total, j'aurai 6 bidons de 10 litres ainsi que le réservoir du bateau (25 litres), soient 85 litres de carburant. En comptant une consommation de 3 litres par jours pour recharger mes batteries, je dois pouvoir tenir 28 jours. Sachant que je pense consommer moins de 3l /jours, j’ai une marge.
Nouvelle drisse de génois, en 10mm. Celle de 8 finissait par glisser dans le taquet.
Théo vient naviguer sur Loussounga pour ce « premier » départ.
Théo vient passer 4 jours sur Loussounga. Le bateau quitte définitivement son quartier le jeudi 1er septembre. Première étape, direction Saint-Quay Portrieux. Le soir, la douane anime notre apéro. Plus sympathique, un voisin de ponton nous conseille un joli mouillage à Bréhat. Nous y allons le lendemain et visitons l'île en fin de journée. Même par temps gris, les couleurs y sont magnifiques. On se rend compte qu'il est tout à fait possible de tomber amoureux d'un morceau de caillou. Malheureusement, retour sur Saint-Quay le lendemain, samedi : le vent prévu ne nous permet pas de rester au mouillage une nuit de plus et les marées ne s'accordent pas avec le programme pour rentrer dans un port plus à l’Ouest. Donc samedi, on fait le tour de l'île de Bréhat, via le Trieux, pour revenir ensuite sur nos « milles ». J’ai fait le tour de l’île dans l'autre sens l'année dernière. Je pourrais le faire tous les ans si je le pouvais. Cette balade se paye : on se retrouve à contre courant au Nord-Est de l'île. Trois heures à faire du 5 nds sur place entre 12h et 15h.
On arrive vers 16h du côté de Saint-Quay. Au lieu de rentrer directement, je teste le tourmentin, que j'ai acheté fin juillet. Une toile plus petite qu’une voile de planche. Je teste les ris 2 et 3. Je n'ai pas de quoi passer les ris dans la bôme, il faut trouver un système car il ne sera pas question de passer un bout dans les œillets des points d'écoute quand ca soufflera vraiment. Theo prend un stop puis un train vers 17h. Je vais au ciné et passe un bout de soirée sur le bateau d’à côté, des Glénan.
Lundi : étape prolongée Saint-Quay –Perro.…Roscoff. 70 miles au près.
Nous sommes lundi. Théo est rentré hier. J'ai du boulot, faut avancer maintenant. Il faut redescendre sur Concarneau sans trop perdre de temps. Je ne souhaite pas m'embêter avec le courant dans le nez, donc je vais faire ca sur plusieurs étapes. Que du vent d'ouest aujourd'hui. Super… Je veux essayer de rejoindre Perros-Guirec. Sans arriver trop tôt car le port n'ouvre qu'à 19h45 avec la marée.
Je pars avec la marée descendante. Ca file, ca file, ca file, le courant me donne du speed ! Il doit être 15h quand je suis au niveau de Perros-Guirec. Allez, je continue, nouvel objectif pour ce soir : Trébeurden. Même combat, je ne pourrais pas rentrer avant 20h. Je passe les Sept Iles. Je croise le bateau pirate d'Astérix et Obélix. Toujours pleines d'imaginaire ces rencontres en mer.
Le vent monte, toujours en plein dans la face, Loussounga avale les miles pendant que je mange des cracottes. Il est 18h, nouvelle séries de calculs à la table à carte. J'ai désormais le courant contre moi, je peux être à Trébeurden d'ici peu mais je vais devoir attendre. Je suis fatigué. Mais si je continue à pousser, je dois pouvoir être sur Roscoff avant la nuit. Deal, c’est parti. Je vire et pense avoir une bonne stratégie pour limiter l'effet contre courant de la baie. N'ayant pas la carte précise des courants à cet endroit, je ne saurai jamais si ca m'aura fait gagner du temps ou pas... Mais bon, ca laisse penser que y'a une stratégie, ça occupe la tête. J'arrive à Roscoff quand les lumières du port commencent à s'allumer. J'aurai fait 70 miles au près, deux étapes en une. Ca valait le coup car demain, il n'y a pas de vent.
Mardi : jour de congés.
Repos ! Balade, lessive. Un voisin de ponton m’aide à remplir mon seau d’eau avec son tuyau car je n’ai pas le bon adaptateur de quai. Il me sort : " Ba ?! Tu n'as pas de femme pour te faire ta lessive ?". Trou de balle va.
Mercredi : Roscoff- Aber Wrach’.
Je pars, il est 9h30. Je contourne l'île de Batz car je n'ai pas de carte précise pour passer à l’intérieur, côté côtes. Pétole toute la journée. Affaires sensibles de Fabrice Drouelle et soleil. En début d'après midi je me fais surprendre par un bruit énorme. Alors que je suis dans la cabine, j'entends comme une explosion brutale. Je manque de tomber sur les fesses. Je lève la tête. Deux avions de chasse passent en rase motte au dessus de Loussounga. Tellement proches qu'il n'y a pas de décalage entre le son et l'image ! Une fraction de seconde et ils sont déjà loin. J'ai du distinguer la forme de leurs ailes tellement ils étaient proche du mat ces batardos. J'arrive en fin de Journée à l'Aber Wrach’. + 35 miles.
Je retrouve le vieux breton qui m’avait filé de l’eau. Il parle décidément trop. Et j'ai fait ci et j'ai fait ca et ... Et tu veux traverser l'Atlantique ? Mais tu sais tu que ... ? Et nia et nia et nia. Allez ciao, je vais me faire à manger. Je fais par ailleurs la rencontre de Gérald, qui navigue sur un 38 pied de 1970. Il descend à Port-la-Forêt. On checke la méteo pour savoir si on part demain. Pas évident, une grosse dépression est sur l'Islande et amène du vent soutenu d'Ouest puis Sud -Ouest. Belles rafales. Ca se fait. Mais ce qui m'embête, c'est la houle prévue de Nord Ouest, supérieure à 2,5 mètres. Pour passer le Four et le Conquet, il y a plus confortable. On se dit qu’il est préférable d’attendre puisqu’on a le choix. Le soir, on boit un coup sur son bateau. Nous reparlons du lendemain. Finalement, la période de la houle prévue est relativement longue. Et si on ne part pas demain, on reste bloqués à l’Aber Wrach’ 2 ou 3 jours à cause de la dépression qui approche. Nous partirons demain. On verra bien.
Jeudi: Aber Wrach’ – Camaaa..Brest.
Départ à 10h, à la marée haute de l'Aber Wrach’. Ca souffle mais ca n'est pas violent. Quelques rafales enregistrées à 23 noeuds tout de même. Le Breton qui parle trop est devant et s'éloigne petit à petit, il a du mettre son moteur peau de balle. Gérald est juste derrière. Ca motive de faire la route à plusieurs. La houle de Nord-Ouest confirme sa présence. Elle vient se briser sur les plateaux rocheux devant l'Aber. De l'écume bien blanche. Beau spectacle. Nous avons la houle et le vent de face.
Grand voile et moteur pour sortir de là. Alors que le Breton beau parleur tourne petit à petit à gauche pour suivre la côte, de mon côté je hisse le solent. Je ne peux pas passer cette grosse houle de face juste avec le moteur. Pas assez puissant. Je choisis donc de faire un cap moins direct mais avec grand voile et solent, moteur en appui. J'arrive à tenir le cap 270°. Gérald, juste derrière, est sous grand voile seule et moteur, il tient un cap plus sud, pour une route plus directe.
Arrivé proche du phare du four, je vire de bord. Trop tôt, je suis trop impatient, ca m'emmène droit sur les cailloux en amont du phare. Et le moteur se coupe. Rhhh... Je ne vais pas stresser, mais un peu. Il me l'a déjà fait ca. Je révire dans la foulée pour me dégager de s cailloux qui approchent. Ca remue. Je remets 10 litres de gazoil. Ca redémarre. Je révire. Le moteur s'éteint une deuxième fois. Je suis contrarié. J'ai tant consommé de gasoil ? On va remette 10 litres à nouveau... Je sors un autre bidon, je commence à peine à le verser que ça déborde. Tout ca avec la belle houle, y a plus simple. Bon, le moteur de coupe même quand le réservoir est plein, le problème vient donc d'ailleurs. Tout ce que je sais c'est qu'il se coupe lorsque Loussounga est fortement gîté tribord amure. Je revire, vérifie que ca redémarre, pour assurer l’arrivée au port, puis coupe le moteur.
Désormais je peux tourner à gauche, pour entamer le chenal du Four. Le vent se calme et la houle disparaît peu à peu. Pas plus mal. Je continue au près, cap au Sud. Une dizaine de miles jusqu'au Conquet. Il fait désormais très beau. Presque pas suffisamment de vent. Gérald est loin derrière. Il me dira plus tard que le vent avait bien molli sur sa zone et qu'il me voyait m'éloigner sans rien pouvoir faire de plus. Le Breton, lui, a disparu devant. Il doit adorer le moteur.
Passage de la pointe Saint-Mathieu. Il est temps car le courant va s'inverser. J'hésite: Camaret ? Brest ? J'ai des courses spécifiques à faire et j'ai besoin d'une bonne connexion internet : je tourne à gauche, pour rentrer dans le goulet de Brest. J’y croise de très près l'Abeille Bourbon. C'est un bateau très puissant dédié au sauvetage et à la protection du littoral. Impressionnant. Il sort, ca va se gâter ? J'arrive sur Brest, il est 20h.
Vendredi : au chaud au port.
Ils ne se sont pas trompés concernant la dépression. Ca siffle dans les mâts. J'emprunte un vélo et me rends à quelques kilomètres de là chez un shipchandler pour me procurer les blocs marines Espagne -Portugal et Antilles. Je gère de l'administratif sur internet et télécharge Navionics pour avoir une cartographie Gps en backup sur la petite tablette. Je fais quelques points de couture dans mon petit Foc et installe les garcettes de ri. Ca me prend bien une heure et demie.
J’étudie la météo. Demain samedi, ca souffle jusque midi, Sud-Ouest et pluie. La pression chute. Le vent tournera ensuite Nord-Ouest en se calmant radicalement. Le temps d’une après-midi seulement. Je checke les cartes de pressions : c'est un front froid qui arrive. Puis le vent ensuite dimanche et les jours suivants, à nouveau au Sud.
Nouvelle de dernière minute : Yohann arrive demain, pour un week-end express. Je pensais rester poser à Brest tout le week-end pour laisser passer le trop plein de vent. Je l'appelle et lui propose de partir dès son arrivée, dès que le front est passé, en tout début d'après-midi. Il faut jouer la bascule de Nord-Ouest et passer la pointe du Raz. Ce sera plus tranquille ensuite et la pointe Bretagne sera derrière nous. Il est partant.
Samedi : Brest-Audierne avec Yohann.
Je commence par aller à la capitainerie pour régler les nuits précédentes. Il pleut des cordes depuis cette nuit. "Vous partez vraiment aujourd'hui ? Sérieusement ?". Il est 11h30 quand je vais le chercher à la gare. Ca trempe encore, mais ca commence à se calmer. On mange un sandwich dans un bistrot. Contents de se retrouver alors que rien n'était prévu deux jours plus tôt. On enfile les salopettes et préparons le bateau alors qu'il pleut encore un peu. Faut pas trop tarder car la marée haute était à 11h30 et il faut passer la pointe du Raz avant 18h. Départ à 13h. Une fois dans le goulet, le vent tombe. Un peu de moteur pour sortir de la. Le vent tourne et prend du Nord. Une fois Loussounga sorti de la rade, l’air passe comme prévu au Nord-Ouest. Moteur off. Vent de travers. On coupe via le chenal du petit Leach'. Cap sur la pointe du Raz. Yohann fait une petite sieste. Le vent mollit lorsqu'on approche de la pointe et le courant commence à être contraire. Faut pas traîner ! Moteur enclenché. On se retrouve vite avec 2nds dans le nez alors que le coefficient de marée n’est que de 32, donc assez faible. Pas de marmite aujourd'hui ! J'en avais parlé à Yohann, ca m'aurait fait rire de partager cette fête foraine avec lui... Bon, on ne va pas se plaindre. On met du temps à la passer, cette pointe mythique. Le phare de la vielle reste toujours impressionnant par les images de tempêtes auxquelles il est associé.
Cap au 110°, sur Audierne. Moteur off, nous sommes vent de travers et ca souffle suffisamment pour faire du 6nds. Ce dernier bord de la journée est magnifique. Le soleil dans le dos, de plus en plus bas. On fait nos pronostics d’heure d'arrivée : on aimerait se faire un bon resto ce soir. Loussounga est amarré à une bouée, il est 20h30. On gonfle l’annexe. Pied à terre, direction le bistrot à 100 m en haut de la jetée : il est en train de fermer. On se fait indiquer un autre endroit, on se dégourdi les jambes, on a gagné notre restau.
Dimanche : Audierne – Concarneau base camp.
Réveil , soleil mais pétole. Un type passe pas loin avec son annexe. C'est le Breton qui parle trop ! Encore lui ! Mais c’est pas possible ça ! Ca me fait sourire.
Finalement le vent va se lever. Nous sommes au près, cap au 155°. Direction la pointe de Penmarch’. Mais le vent, de Sud-Est, prend un peu de sud. Nous sommes contraint s'abatte... Dommage. Mais c'est plutôt sympa car il y a quand même plus de vent que prévu. Loussounga avance à 6,3nds sous grand voile et solent. La pointe de Penmarch est longue à passer... On tire des bords assez courts pour ne pas tirer trop longtemps au sud : si jamais le vent continue à refuser, on se retrouverait trop bas et ca rallongerait notre route. Une fois la pointe dépassée et le port du Guilvinec sur bâbord, on file droit sur Concarneau, tribord amure. Quelques pointes à plus de 7nds, on se retrouve vite bon plein. Par contre, il ne faut surtout pas que le vent ne baisse : on a pris trop de retard autour de la pointe Penmarch et il faut absolument être arrivée à Concarneau pour 18h car Yohann prend un train à 18h10. On se relaie à la barre et on enchaine les calculs de pronostic d'arrivée. Ca va le faire ! Mais à trente minutes près ... C'est tendu, il ne faut pas pas que le vent baisse et faudra affaler les voiles en vitesse. Ce petit stress nous anime 3 heures durant. On arrive à 17h40. Pas le temps de gonfler l'annexe, je dépose Yohann sur un des pontons derrière la vielle ville avant de repartir garer le bateau sur bouée. Un week-end express durant lequel on aura finalement beaucoup navigué et profité. Loussounga est de retour à Concarneau.
Nous sommes le dimanche 11 septembre. Prochaine sortie : direction l’Espagne.

Fab Lab de Saint-Brieuc, usinage d'une bague en Téflon pour le pilote automatique.

Pour la suite, j'anticipe l'avitaillement concernant le Hénaff, les palets bretons, mes conserves préférées.

Ile de Bréhat. Théo et moi rentrons chez nous (enfin, la bateau est juste derrière la maison...). Photo de Théo.

Une étape à rallonge : 70 miles au près entre Saint-Quay Portrieux et Roscoff.

Loussounga à l'Aber Wrach'.

L'abeille Bourbon sort de la rade de Brest. Moi je rentre me mettre au chaud avant que ça ne se gâte.

Les derniers achats. Ca sent le grand départ.

Brest. Il pleut encore quand nous préparons le bateau. On profite du front qui vient de passer pour dépasser la pointe du Raz dans l'après-midi.

Arrivés à Concarneau. Week-end express avec Yohann.

Loussounga de retour à son "camp de base" de Bretagne Sud avant le grand saut. Encore merci à Valérie, Rolland et Sido pour la bouée.