Tour de Bretagne solo : Concarneau - Saint-Cast
- vikenrenouard
- 31 août 2016
- 7 min de lecture

220 Miles entre Concarneau et Saint-Cast

Après une longue journée débutée à 5h30 ce matin, la pointe Bretagne est passée.

Mardi matin, après la première nuit. Un peu d'air, toutes voiles dehors, levé de soleil et le courant avec. La pointe Bretagne est derrière nous.
Deux jours et presque deux nuits. Peu de vent, « un peu » de moteur. Un jeu entre Loussounga et les courants de marée. Un jeu entre mes nerfs et mon sommeil. Pas de gagnant, pas de perdant. On a tous fait notre job !
Ce seront mes premières nuits en mer, seul. Ca fait très longtemps que j’attends ça. Depuis plus d’un an, chaque fois que je m’endors confortablement dans un lit, j’y pense. J’appréhende, je dois le faire. Je veux y gouter. La mer, la nuit, cette masse sombre. Le bateau, ma cabane, un refuge. Qui avance sans cesse, solide, mais pas indestructible.
Je suis à Concarneau, je veux remonter en Bretagne Nord, pour faire des miles et encore des miles. Pour passer la pointe Bretagne, il faut jouer avec les courants et bien planifier son coup, sinon ce sont eux vont s’amuser. Surtout par fort coefficient de marée, le principe est d’être à marée basse à la pointe du raz pour avoir le courant montant avec nous et passer le Raz de sein, la pointe Saint-Mathieu et le chenal du Four. En one shot si on joue bien.
Trois options pour ce retour :
Si je ne suis pas assez tôt à la pointe du Raz, pour la renverse de courant, je m’arrête à Audierne.
Si j’arrive à la pointe du Raz à 16h, et je remonte plein Nord, pour m’arrêter à Camaret, ou plus haut.
Enfin, dans le meilleur des cas, je remonte la pointe Bretagne, et je continue tout droit sur l’Angleterre, pour virer le phare EddyStone et je redescends sur Saint-Cast. C'est ce qui me chauffe le plus.
Extrait du journal de bord
Lundi 22 Août 2016.
5h30. Ca y est. Réveil. Il fait nuit. Les voiles ont été préparées hier soir.
6h40. Départ. Le bateau est prêt, moi aussi. Le jour n’est pas complètement levé. Je quitte ma bouée devant les remparts de la vielle ville de Concarneau.
Sortie du port. Moteur ON, pas de vent….Je passe la tourelle du Cochon. 1024 hPa. Le speedo, redémonté et nettoyé hier, fonctionne à nouveau ! Ca c’est bon !
7h40. Moteur + GV + grand génois. Il n’y a pas d’air ! Je suis mal barré pour être à l’heure à la pointe du Raz...
9h50 : Vent inférieur à 5 nds, de Sud. Je progresse à 4.7 nds sur le fond. Les yeux rivés sur l’écran qui affiche la vitesse du bateau. Je veux vraiment passer la pointe du Raz aujourd’hui, aucune envie de m’arrêter. Gonflé à bloc… si seulement il y’avait un peu d’air… Je coupe entre les balises cardinales, en laissant les îles Glénan sur babord.
13h30. Cap au 320° désormais. Cagnard… Je lutte pour ne pas m’endormir….Ras le bol du moteur. J’ai passé la pointe de Penmarch. Ce qui fait plaisir, c’est que j’appuie sur le « + » du pilote automatique, heure après heure : je tourne petit à petit à droite. Micro siestes de 3 à 5 minutes max, la tête posée sur le roof. Juste le temps de me mettre à rêver et réflexe animal : je me réveille. Près des côtes, il ne faut pas dormir.
14h56. Je suis à 5 Miles de la pointe du Raz ! Ca va le faire, on y va ! Le vent est au 150°, plein arrière. Il m’aide un peu, mais est timide. Soleil étouffant. Je me verse de l’eau sur la tête. Le courant vient de s’inverser, j’avance à 6.2 nds sur le fond.
15h15 : Ca y est, je suis dans le TER pointe de Bretagne ! J’arrive au phare de la pointe du Raz : La Vieille. Quelques bateaux devant moi. Des vagues avec pas mal d’écumes à droite de la balise, normal, mais à gauche également. Bizarre. Je regarde la carte à nouveau : il n’y a pourtant pas de cailloux à l’Ouest du phare de la Vieille. Les bateaux passent bien là. En attendant, j’envoie des textos, posé à l’avant de Loussounga. Situation absurde.
15h30. Marmite magique ! j’ai laché mon téléphone depuis 10 min, j’ai repris la barre, ca bouge un max. Une vague d’environ 2m50-3m, assez verticale et très large vient de l’Ouest. Pas possible à eviter. Je pousse la barre en grand pour la prends de face. Le nez du bateau monte, regarde le ciel et vlrrrammm, redescend aussi sec dans le creux de la vague. C’est la fête foraine, ca dure 15 minutes. Ca bouge dans tous les sens et ca déferle. Hallucinant, et il n’y a pas de vent. J’avance à 9 nds sur le fond.
15h45. Moteur OFF. Victoire !Vent d’une dizaine de nœuds, venant du 130°. Cap au 0°, plein Nord. J’envoie le spi, le plus petit des deux : au cas où ça rebouge, il sera plus rapide à affaler. Je suis à la hauteur de Camaret. Je gagne 1 nds à 1.5 nds grâce à cette grande toile multicolore. Je checke à nouveau la météo car j’ai du réseau : pas de vent à venir en Manche et au Sud de l’Angleterre, notamment grosse pétole demain de 14 à 23h autour de Eddystone. Pas la peine de s’emmerd.** juste pour faire des miles, aucun intérêt si c’est pour faire du moteur. Un peu déçu. Mais par contre, je décide de continuer la boucle, en remontant directement sur Saint-Cast non-stop.
17h42. Spi affalé, moteur à nouveau. Les nerfs. Mais 7.7 nds sur le fond. Ca aide le bateau et le moral.
20h14. Pétole. C’est la renverse. 4.6 nds sur le fond et 5.6 nds en surface.Je viens de manger une salade tomate-feta, + du port salut et des radis. Je ne vais pas tarder à passer le phare du Four. Je suis sorti de là ! Mais je dois me préparer à faire du surplace toute la nuit à cause du courant qui sera contraire…
22h10. Vent de 10 nds d’Est. Je hisse le génois. La nuit tombe. J’ai déjà parcouru 84 miles depuis ce matin. J’éteins le moteur, je progresse à 3.7 nds en surface. Ca ira très bien…
23h. Ca avance ! 5.7 nds sur l’eau, au près. Cap au 35°. Belle nuit étoilée. La Lune n’est pas encore levée. Première nuit solo, et avec du vent, des étoile. Au top. Loussounga cherche la Lune.
23h30. Ca mollit un peu. Vitesse : 4 nds. La lune se lève enfin. Elle est rouge.
Mardi 23 août.
00h00. Le vent prend du Nord.Je vire. Cap au 100°. Je n’avance qu’à 2 nds sur le fond. Il y’a 1 nds de courant dans le nez.Je me chauffe une soupe savoyarde.
00h55. Je dois revirer, je suis à 3 miles de la côte. Vitesse : 4.9 nds sur le fond. Cap fond 350°…. Je recule….Toujours pas eu le temps de manger ma soupe, préparée il y a une heure.
1h30. Je revire.
2h40. Cap 175°. 2.5 nds. On est en train de passer la nuit là. Pas motivant.
3h. Je revire. Cap 355° sur le fond.
3h10. Je craque, moteur ON .Génois affalé. Cap fond au 80°, on progresse à 1.1 nds.
5h. J’enchaine les micro sommeil de 5 min. Assis dans la descente, ma tête tombe en avant, doucement....et réveil. J’attends… j’attends la fin de la nuit, la fin de ce courant contraire… Nombreux bateaux de pêche dans le coin.
6h30. Vent d’Est d’une dizaine de nœuds.Moteur OFF. Le soleil se lève et c’est bientôt l’heure de la renverse de courant… enfin !
7h. Sous génois + grand voile, j’avance à 6.1 nds sur le fond, cap au 49°. Au près, j’approche de l’Ile de Batz.
10h. 6.3 nds en surface et 8.3 nds sur le fond. Revanche.Toujours au près. Mer belle.
11h. J’enchaine les siestes de 15 minutes. En réalité, je ne m’endors que lorsque le réveil s’apprête à sonner, au bout de 15 minutes. Je ne dors pas vraiment donc…
11h40. Vent : 10 à 15 nds d’Est.Vitesse : 6.8 nds en surface et 7.1 nds sur le fond. Cap au 55°. Je continue sur ce bord jusque la bascule. Le vérin du pilote automatique fait des bruits métalliques lorsqu'il est en bout de course. Il faudra le démonter une fois arrivé. Ca m’embête cette affaire. En attendant, je mets le pilote « Petit Lou », celui d’origine qui a été révisé.
13h30. Virement.
14h40. Génois affalé, moteur. Micro siestes dans le cockpit. Je somnole à l’ombre.
16h00. J’ajoute 16 litres de gazole. Niveau d’huile OK.
19h00. Pétole, mer d’huile. Cap au 120°. Ras le bol ! Je devrai arriver entre 4 et 6h du matin.
19h30. Ca y’est, c’est la renverse, mais toujours pétole. 5.9 nds sur le fond.
20h50. Vent de Sud-Ouest.Génois + GV + moteur. 5.4 nds surface et 8.4 nds sur le fond.
22h40. Moteur OFF. Voiles en ciseaux.Vent de SW, 10 nds.
Mercredi 24 août.
00h00. Echanges avec le Cross Corsen pour un relay May Day en baie de Saint-Brieuc. Des fusées de détresse ont été tirées entre la pointe des Guettes et le Petit Léjon. Je donne le nom de mon bateau. Ils le localisent immédiatement (grâce à l’AIS probablement ). Ils vont gérer ça avec la SNSM, je ne me déroute pas. Ces échanges m'aident à tenir éveillé. J'espère que ce n'est pas grave.
1h15. Cap fréhel. On ne voit pas bien la côte, mais l’ombre est haute. Le vent monte d’un cran, c’est pas trop tôt !
2h20. Le Fort La Latte, je cherche à distinguer ses formes mais je ne le vois pas… J’approche de Saint-Cast. Content de connaitre le coin, car le port est bien caché lorsqu’on vient de l’Ouest. A n’y rien comprendre.
3h00. Arrivée à Saint-Cast. Je prends la deuxième place que je vois, sans faire le difficile.
220 miles de plus. La petite pression retombe, celle qui me faisait tenir. Je m’endors sur place. Je rangerai les voiles demain.