top of page
Rechercher

Une piqure d’adrénaline pour garder la forme.

  • vikenrenouard
  • 12 août 2016
  • 5 min de lecture

12 août, île de Groix. Avec Manu, Mathias et Marion.

Levés 6h. Départ direction Belle île. Il faut arriver tôt au port du Palais pour avoir une place car il risque d'y avoir du monde avec le festival qui débute ce soir. 25 miles à parcourir. Pas de vent, soleil, moteur. On sieste tour à tour dans la cabine pendant que Manu, le seul qui ait vraiment dormi cette nuit, fait la veille.

Il est 11h, j’ouvre les yeux. Mathias se réveille 30 minutes plus tard. Il s’assoie dans le carré quelques temps, semblant prendre son temps pour émerger. Puis vient dans le cockpit. Débout, face à nous, il montre sa gorge avec sa main. On se regarde avec Manu : Il va vomir ? Ba vomis, fait toi plaisir !

Mais il a du mal à parler. Il explique tant bien que mal qu'il n'arrive pas à respirer par la bouche. Panique intérieure. Il ne s’agit plus de moquerie. On l'assoit dans le cockpit. Ca va très vite, désormais il n'arrive même plus à prononcer quoique ce soit et ne peut respirer que par le nez.

Je regarde sa tête : elle n'est pas enflée. Mais ça me fait penser tout de même à un œdème de quincke. Chaud. Vite. Si ca continue à évoluer, il ne pourra plus respirer.

Je sors la valise médicale et y ouvre la trousse « Allergies ». Je prends une seringue d'Anapen. Avec Manu, on regarde au plus vite la notice. Je lis à voix haute. Heureusement que nous sommes deux à regarder la posologie, car avec le stress, je ne comprends pas vraiment ce que je lis.

Mathias ne pose pas de question. On sent qu’il a peur, mais il essaie le cacher. Il souhaite juste qu’on agisse au plus vite, quoiqu’on fasse. Marion se réveille à ce moment précis. « Qu’est ce qui se passe, le moteur est coupé ? Il y a une panne ? ».

C’est Mathias qui est en standby ! Je lui propose de regarder la mer. Hop, piqure dans la cuisse. C’est une seringue « automatique » : injection d’adrénaline. C’est à utiliser en cas de choc allergique de niveau 3, le cas le plus grave. Et je crois bien qu’on y est.

On fait assoir Mathias dans le carré. Marion le surveille et reste à sa disposition. Il ne faut pas qu'il fasse d'effort ou ne remue de trop pour que son rythme respiratoire reste stable. Ne pouvant pas s’exprimer, il se fait comprendre en écrivant dans le journal de bord. Il pense notamment à résumer l'heure de l’injection et ce qu'il a pu ingérer ce matin. Il sent que c'est grave mais a une capacité à garder son sang froid étonnante. Impressionnant, d'autant plus qu'il ne peut pas agir à notre place et doit faire confiance.

J'appelle le CCMM (Centre de Consultations Médicales Maritimes), l’équivalent des urgences médicales dédiées aux accidents qui ont lieu en mer. Je fais état de la situation et leur transmets la position du bateau. Nous sommes maintenant à 40 grosses minutes du port du Palais, à Belle Ile. Ils décident de faire décoller un hélicoptère pour récupérer Mathias dès son arrivée au port. A-t-il de la température ? Il est chaud, mais pas plus que ça, c'est Dormi ! Et quand Dromi dort, il surchauffe le garçon ! Le médecin me demande de jeter un œil à sa gorge. Mais Mathias n'arrive à ouvrir la bouche qu'à moitié. On ne voit que sa langue, qui est très grosse. Sa glotte n'est plus visible. Je décris tout ça au médecin en direct tout en espérant que ça ne fasse pas paniquer Mathias davantage. Il me demande d’administrer en plus un anti corticoïde. Mais il ne peut rien avaler ! Oui, qu’il le mette sous sa langue, ca aidera tout de même.

Le CCMM se charge de prévenir le cross Etel. Le Cross me contacte dans la foulée. Je rétransmets ma positon, mes moyens de communication, etc. « Connaissez-vous le port du Palais ? ». Pas vraiment, mais j’ai le bloc marine. Ils préviennent le port de notre arrivée en urgence.

Marion reste près de Mathias et surveille son évolution. Manu et moi affalons la grand voile, moteur plein gaz, pare battages…etc. En préparant les aussières, je pense au pire. Si ça continue de gonfler, il ne pourra plus respirer et il n'y aura rien à faire. Peut-être ouvrir la gorge et y placer un petit tube. Olalala.

Je crois entendre l'hélicoptère pas loin. C'est bon les gars, on entend l'hélicoptère qui se rapproche de l’île ! J'essaie de rassurer Mathias comme je peux avec les infos dont je dispose. Je me rends vite compte que ca n’est pas l’hélicoptère mais le moteur qui tourne en surrégime et fait du boucan.

A un mile du port, nous appelons la capitainerie à la VHF pour être sur qu'ils sont au courant de notre arrivée et pour savoir où je peux accoster en urgence. Marion a préparé un petit sac avec un minimum d'affaires pour Mathias.

On accoste sur le quai en dur. Un pêcheur arrive avec son bateau et gueule un coup. Il se fait calmer instantanément par le gars du port : « Y’a urgence là ! ». Mathias descend et avec Manu, ils vont à la capitainerie. Les pompiers le récupèrent et l'emmènent à l'hélicoptère, qui vient d'arriver. Direction l'hôpital de Lorient. Les médecins lui donnent à nouveau de l'adrénaline via un masque à gaz. La côte est belle vue d'ici nous dira Mathias plus tard.

Restés au port, nous changeons le bateau de place, en le mettant à une bouée. Nous sommes inquiets mais la pression commence à retomber car on sait Mathias entre de bonnes mains. Tout est allé si vite. Une bonne chose, car nous n’avons pas eu une seconde de répit et donc notre tête ne s’est trop mise à gamberger… Ca finira pas dégonfler en fin de journée. Mathias a petit à petit retrouvé sa voix mais est resté à l’hôpital pour la nuit. Les médecins ont cherché à comprendre. Une crise d'angoisse ? Y a-t-il des tensions à bord ? Y a-t-il une fille à bord ? Nous avons souri quand Mathias nous a évoqué les questions posées par les médecins, même si elles peuvent être très pertinentes. Finalement il semblerait que ça ne soit pas une allergie alimentaire non plus. Ce qui est étonnant mais apparemment très probable : une piqure d'insecte sur la glotte pendant son sommeil. Chaud ! Jamais nous n’aurions imaginé une chose pareille et une telle escalade de l'urgence.

Je ne regrette pas d’avoir passé autant de temps à préparer cette valise médicale monstrueuse….Moi qui pensait pourtant n’utiliser que quelques Dolipranes tout au plus....

Merci à l'excellente formation ATMSI sans laquelle je n'aurai pas administré cette piqure d'adrénaline. Je tiens également à souligner la réactivité de la chaine des secours et la très bonne coordination entre le CCMM, le Cross et le port du Palais. Et surtout, un grand bravo à Marion, Manu et Mathias qui ont tous su garder leur sang froid et ont été très efficaces. OUF…


 
 
 
Featured Posts
Revenez bientôt
Dès que de nouveaux posts seront publiés, vous les verrez ici.
Posts récents

Loussounga - Nicholson 33 - Viken Renouard

bottom of page