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Une nuit près des côtes.

  • vikenrenouard
  • 11 juil. 2016
  • 7 min de lecture

Un dimanche soir, Iles Chausey.

On se fait un bon plat de pates. Finalement, pas de vraie sieste avant de partir, il faut préparer le bateau, il est déjà 21h30.

On souhaite quitter Chausey vers 22h, avec la lumière du jour, et naviguer de nuit pour arriver au petit matin à Saint-Brieuc. La première écluse sera à 11h.

Il est choisi de faire des quarts, afin d’avoir quelques heures de sommeil. On se met d’accord : Théo et Mathias commenceront par dormir et Marion et moi serons sur le pont, de 22h30 à 2h. Mathias et Théo prendront ensuite la relève. Et ainsi de suite.

23h00. les voiles sont hissées. Le phare de Chausey est déjà allumé. Peu de vent. GV- Solent, car il est prévu que le vent forcisse un peu. Mais en ce début de nuit, nous avançons très lentement. Le vent est SSW, on tire un premier bord plein Sud, en direction de Saint-Malo. Les nuages sont bas et il y a des petites averses : on y voit rien. Même pas la différence entre le ciel et la mer.

Avec le courant, le cap sur le fond est de 150°. Comme l’impression de s’éloigner de l’objectif. Ou d’être scotché, au choix…il aurait peut-être été mieux de mettre le grand génois. Virement de bord. Cap compas au 280°. On doit faire attention à ne pas rester trop longtemps sur ce bord là, car le plateau rocheux des Minquiers est droit devant. Avec les averses, on a du mal à localiser les balises cardinales. Elles apparaissent, puis disparaissent. Le phare de la pointe du Groin, lui, à l’opposée, se voit de très loin. La sensation d’en être très proche. On revire, avant d’être sur les Minquiers. Donc cap sur Saint-Malo à nouveau. Les lumières de la ville, devant nous, sont plus encourageantes. Sur le bord précédent, on avait la sensation de faire cap sur le néant : on progressait vers l'obscurité totale. Marion se débrouille très bien à la barre. Le fait d’avoir barré hier est une bonne chose. Mathias et Théo semblent dormir profondément.

00h00. Averses. Marion se décide à enfiler la salopette que j’ai en rab. Elle semble un peu s’emmêler les pinceaux entre les bretelles de la salopette, les sangles du gilet de sauvetage, la longe….Ca y est. La voilà à nouveau sur le pont, elle reprend la barre.

« Marion, tu as mis la salopette à l’envers. »

« Pas grave, ça ira ! »

Nous avons tous les deux nos lunettes de vue. Les gouttes d’eau s’y accrochent et n’améliorent en rien la visibilité. Le vent est un peu monté. Loussounga a repris une vitesse à peu près convenable, 5 nds et quelques. On boit un thé dans le thermos. Chaque averse qui passe amène un peu plus de vent, ce qui n’est pas plus mal. On vire à nouveau, cap au 280°. Cette fois c’est ok, nous devrions rester sur ce bord là pendant 2 bonnes heures au moins. Ca fatiguera moins la tête de chercher à repérer constamment toutes les balises pour calculer quand est-ce que l’on doit virer de bord.

Le cap Fréhel se voit de très loin.

2h00. Mathias se lève. Il tombe sur Théo. Théo se réveille. La nouvelle équipe est en place. Le vent est monté un peu. On avance bien, le bateau est sur sa gite, impeccable. Par contre, à l’intérieur, il faut s’agripper.

Marion va se coucher. Les toiles anti-rouli sont installées afin d’être bien calé dans les bannettes et de ne pas se retrouver par terre. J’entame une sieste. Je ne dors pas vraiment, mais réussi à somnoler. J’entends tout ce qui se dit sur le pont et sens tous les mouvements du bateau. On sent d’ailleurs que le vent continue de monter, car Loussounga accélère. On le sent en écoutant l’écoulement de l’eau sur la coque. Je fais quelques apparitions toutes les 30 minutes. Tout baigne.

3h30. Ca commence à bouger de plus en plus. Théo troque la barre contre ma bannette. Mathias et moi sommes sur le pont. Le vent est monté. Je prends un ri. Il doit bien y avoir 20 nds et des rafales à 6 beauforts. Je suis content de voir que sous Solent et grand voile un ris au près, Loussounga est très bien équilibré. Il tient bien sous pilote et sa vitesse varie autour de 6.5 nds avec des pointes à 7 nds et quelque. Un vrai plaisir de barrer, car celle-ci n’est pas trop dure. On se prend quelques vagues sur le visage. Nous sommes au large du cap Fréhel. Loussounga avance très bien dans cette mer, pas grosse mais assez désordonnée. Entière confiance dans le bateau, qui ne bronche absolument pas et semble être tout à fait à sont aise, même si ca valdingue pas mal à l’intérieur. Merci aux toiles anti-roulis, c’est pas de la décoration. La houle est assez rapprochée, ca trempe jusqu’au cockpit. La table à carte mouille un peu. On tire le capot du roof. Nous avons les cirés trempés. Avec les grains, le cap Fréhel joue à chache-cache et mène la partie. Le fait de devoir rester concentré et d’alterner lecture carte / recherche des balises, sans y voir pas grand chose, travaille l’estomac.

Une petite incompréhension entre Mathias et moi conduit à une petite montée de stress :

« A babord, c’est le cap Fréhel. »

« Mais non, on l’a passé le cap Fréhel !»

« Mais si c’est lui. »

« Ah mais merde, je comprends plus rien, pour moi on l’avait passé. Tu peux prendre la barre deux secondes ? ».

Hop, je me tiens aux filières : le plat de pâtes m’aura fait 5 heures, tout à fait honorable !

Bon c’est ok, c’est effectivement le cap Fréhel, et il n’est pas sur notre route. Tout roule. Mathias est lui aussi ballonné, mais sa digestion n’est pas interrompue. Par contre, il a froid. Il va à son tour se reposer. Aucune bannette n’est libre, puisque Théo et Marion dorment encore. Il tente de se mettre à l’avant. Il se fait balancer dans tous les sens.

Je reste sur le pont. Il faut continuer à veiller sur la carte, car cette remontée au près nous oblige à faire cap alternativement sur la côte et sur des plateaux de roches. Le plateau des Justières, le Rohinet, le Grand Pourier, les Landas… Pas facile de se dire qu’on fait cap droit sur des cailloux, qu’on ne les voit pas, et qu’on a approximativement une heure à tirer droit dessus avant de virer de bord à nouveau. Surtout qu’on déboule à 7.5 nds sur le fond, le courant aidant.

4h30. La mer aurait pu être plus calme. Ca tape un peu. Comment ils font pour dormir à l’intérieur ? Marion m’a dit plus tard que son rêve l’a emmené dans un avion pris dans la tempête. En attendant, moi je dois tenir pour ne pas dormir. Pour ne pas risquer de me réveiller trop tard. On est lundi matin, une nouvelle semaine commence. La routine pour certain. La mienne est particulière : position carte – balises – montre – position carte – balises –montre – virement – balises – position carte – bateau de pêche – veille – bateau de pêche – veille – virement – position carte – montre…etc.

5h00. Le jour n’est pas levé mais il commence à faire clair. Je passe assez proche de deux bateaux de pêcheur. Vraiment envie de fermer les yeux. Je me calle dans le fond du cockpit, en chien de fusil. Ca me protège du vent, des embruns et un peu de la pluie. Je ferme les yeux quelques minutes. Je les réouvre 10 minutes plus tard, juste pour scruter l’horizon. Une bonne chose, car un bateau de pêche est apparu et n’est pas très loin. On est en train de faire route dessus… Mince, mais on peut même pas dormir ne serait-ce que 10 minutes !

6h05. Un autre bateau de pêche. Trop près. Je vire de bord, ca nous oblige à faire route au Nord-Nord-Ouest. Dans tous les cas, il aurait fallu virer tôt ou tard car on faisait route sur les roches des Comptesses, ou sur le Rohein, ...au choix !

Donc cap au 330°. Le vent s’est bien calmé. On va tirer ce bord durant 20 à 30 minutes, ca suffira, avant de revirer et faire route sur le Rohein, pour pouvoir le laisser sur babord. Faisant route vers le large, j’ai l’esprit plus tranquille et tente de refermer les yeux.

6h30. Théo se lève. Il me voit couché dans le fond du cockpit, comme un animal dans sa planque. On se sourit : Ok, j’ai l’air d’un con, mais je suis plutôt confort là, crois moi ! C’est pas plus mal qu’il soit là. Ca fait une veille sur le pont. Je suis plus tranquille. Je finis par somnoler....une heure...alors qu’on va vers le Nord et que Saint-Brieuc est à l’opposé.

Puis Théo s’en aperçoit : « Hey mais on s’éloigne depuis tout à l’heure en fait ?! ». Ba finalement c’est pas plus mal, ca fait tirer 2 longs bords, plutôt que d’enchainer les virements pour passer le caillou Rohein.

9h00. On passe Rohein. Enfin. Obligé tout de même de tirer un petit bord pour ne pas passer trop proche. La route est désormais libre jusqu’au port. Marion et Mathias sont debout. Théo est reparti dormir.

10h00. On arrive dans le fond de la baie. Une petite éclaircie. On a une heure d’avance sur l’ouverture de l’écluse. Capitaine Spoke, alias Mathias, souhaite s’entrainer à l’exercice de l’homme à la mer avec une bouée, comme il y’a deux semaines au même endroit. Il gère la barre et communique avec Marion qui gère les voiles.

Il est 10h40, on affale les voiles, Théo est debout. On pénètre dans le chenal. J’ai trouvée cette nuit plus fatigante qu’une traversée de la Manche. On est super content.

Iles Chausey, marée basse. Loussounga en arrière plan, dans le sound.

Départ de Chausey, 22h30.

Regards croisés sur la table à cartes.

Merci à Théo pour ses photos.

Extrait vidéo, départ de Chausey.


 
 
 
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